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« J'ai trop trimé, paroles de femmes »... Non, ne dites pas: « Encore un spectacle sur ce sujet ! Nous sommes en 2010, c'est bon, le féminisme, la place de la femme... » Ben non, ne le dites pas, parce que c'est encore une réalité culturelle autant que sociale, politique... A l'aube du XXIe siècle, disons-le, ce n'est pas gagné. La comédienne, metteure en scène, Stella Serfaty, avec tout le talent qu'on lui connaît et toute sa sensibilité artistique, a réalisé un admirable travail sur ces « paroles de femmes » au sujet du monde du travail. Les témoignages véridiques ont été recueil- lis par Nadine Jasmin avec une acuité tranchante et juste. Stella Serfaty incarne une femme, celle qui cherchera longtemps sa voie, passant par divers boulots, perdant son énergie, mais jamais son libre abrite. Nadine Darmon, magnifique comédienne, incarne les quatre autres - l'ouvrière, l'étrangère lettrée, la féministe, la chef d'entreprise - avec une grande intelligence. La mise en scène est au cordeau, dans une scénographie magnifique de Lucie Joliot. C'est poignant, émouvant et dynamisant. Bravo.

Lorsque le monde du travail entre en scène 

Que le monde du travail témoigne sur scène n'est pas nouveau. Le phénomène, depuis des années, a pris de l'ampleur. L'aggravation de la condition des salariés, on s'en doute, et le désamour avec l'entreprise n'y sont pas étrangers. En faire du théâtre est autre chose. C'est ce que tente le Théâtre des Turbulences de Stella Serfaty, qui vient de donner juste quelques représentations de J'ai trop trimé à Paris, au Lavoir moderne, et dont on espère que le spectacle sera repris. Le remarquable est que les personnes au travail se livrent, non à une plainte, à une déploration, mais à un véritable ballet des voix et des corps, sur la trame de récits autobiographiques qui ressemblent à des petites fables des temps modernes. Le J'ai trop trimé joué par Nadine Darmon et Stella Serfaty est le contraire de l'accablement. Plutôt que de sortir lessivées par un boulot ingrat où le chef vous met sans penser à mal la main aux fesses, les deux actrices, personnages multiples, se livrent à un concours de paroles comme d'autres font assaut de musique avec leurs instruments. Dès l'attaque, on comprend que la geignardise n'est pas au programme. Au centre, debout sur un rouleau de bois, dans le clair-obscur, la femme est comme la statue du travail dans l'ombre. Puis, sur ce ring. où les parcours sont dessinés par une géométrie de fils, les deux comédiennes entrent à la façon des boxeurs... Pour donner des coups: au chef, dont la vie est compliquée par les congés maternité, on balance: « Si vous êtes là c'est que votre maman a été enceinte. C'est un signe de créativité ». Le piquant est dans la transformation des témoignages recueillis par Nadine Jasmin, dans une adaptation (avec Nadine Darmon) et une mise en scène de Stella Serfaty, en une dramaturgie de confidences, de déclarations, carrées, croisées, scandées, sur un ton emporté, presque gai, signes d'une libération désirée qui ne se limite pas aux mots. J'ai trop trimé pourrait s'appeler aussi, au positif: J'aimerais bien vraiment travailler...

"Spectacle conçu à partir de témoignages, mise en scène de

Stella Serfaty, avec Nadine Darmon et Stella Serfaty. À la genèse de ce spectacle, il y a Nadine Jasmin, sociologue, partie à la rencontre des femmes pour les faire parler de leur monde du travail à elles, dans une société qui traine encore des reliquats de son passé patriarcal et machiste, mais qui prône pourtant la parité et l'égalité, qui cherche à tout prix la performance, mais qui se débat dans la précarité et le chômage.

De la chômeuse, à la chef d'entreprise, de la femme de ménage immigrée à la business women diplômée, elle a recueilli les propos de toutes ces femmes, favorisant la diversité et l'échange, dans l'optique de dépasser les idées

préconçues. De ces paroles de femmes, Nadine Darmon et Stella Sarfaty ont tiré cinq portraits, cinq personnalités, cinq parcours très différents, mais qui brossent sans fard, et toujours avec dignité, la réalité laborale de notre société.

Elles ont ensuite imaginé, pour donner vie à ces femmes, un espace exigu, seul éclairé, comme une ring de box au milieu de la scène, tendu d'autant de fils que de contraintes et sur lequel les personnages ne pourraient entrer pour prendre la parole qu'en oblitérant leur billet dans une pointeuse Inhumaine, dont la seule communication se résumerait à une musique d'ascenseur sirupeuse et geignarde.

Elles évoquent ainsi l'inexistence sociale de celles qui restent sur le carreau, dans l'ombre, au chômage, les difficultés, presque le combat quotidien des présents dans l'arène, où rien n'est un acquis et tout est un combat, la codification administrative des rapports humains dans les entreprises qui étouffe toute spontanéité...

Par petites touches, chacune nous raconte ses choix, ses luttes, ses aspirations, ses résignations avec beaucoup de finesse et de lucidité, et appellent le spectateur à s'indigner, 

admirer, mais surtout à réfléchir. Sans se plaindre, toujours très dignes, elles font l'état des lieux de leur vie, avec un humour mordant, même si l'émotion pointe parfois, jamais très loin finalement.

Il fallait tout le talent de comédienne de Stella Sarfaty et Nadine Darmon pour donner vie avec tellement de véracité et de puissance à l'ensemble de ces femmes. Nadine Darmon, qui interprète quatre de ces cinq personnages, se glisse avec une étonnante facilité, comme d'autres changent de chaussure, dans ses différentes peaux, sans artifices de costumes ou de maquillage, juste avec son corps, sa voix. Mais si "J'ai trop trimé, paroles de femmes" met en avant les femmes, c'est bien des Hommes, avec un grand H, dont il s'agit. Car derrière la frontière des sexes, et même si on ne peut nier que pour les femmes le monde du travail, historiquement domaine des hommes, est plus impitoyable, nous partageons tous les mêmes émotions, ambitions, luttes et échecs. Nous sommes finalement tous égaux, car dans le même bateau, et il nous faut tous lutter et conquérir le bout de terrain sur lequel on a décidé de vivre. Est-ce normal? Peut-on, doit-on, parler d'épanouissement ? "J'ai trop trimé" dresse le tableau de l'intérieur d'une société qui est la notre, mais que nous prenons tout à coup en pleine figure, avec d'autant plus de force que le propos est juste et mesuré.

Lorsque le travail de terrain, quasi journalistique, se couple à une telle démarche artistique, on ne peut qu'applaudir le résultat : incisif, juste et mordant, porté par deux grandes comédiennes. Bravo."

Envie de théâtre au présent ?​​

Quand le Lavoir Moderne Parisien s'engage dans la défense des femmes et de leurs droits au travail, il s'y adonne corps et âme, nous livrant de poignants témoignages taillés dans le vif, coupés au couteau, ajustés avec précision, cousus de fil rouge, en équilibre précaire sur une cordelette tendue d'humour.

Costumée de souffrances, habillée d'injustices, la dure vie de ces cinq parcours de femmes qui courent pour simplement exister dans la dignité, ne laisse pas indifférent. Tout sonne juste, et la pointeuse, et les mots pour exprimer les maux. Malgré les quelques longueurs de fil qui cassent un peu le premier récit sorti de l'ombre, on est vite pris par l'intérêt des propos et les réflexions justes et percutantes.

Fil conducteur, de la laine rouge crochetée par la couturière, aux ligaments rouges qui serviront de ligature à la tapissière, en passant par les lignes, illuminées ou éteintes, tendues au sol. Fil conducteur de la mise à terre de la condition féminine et de sa lutte simple pour trouver sa place.

"Petite fille déjà ils avaient décidé à ma place." Courbée sur son ventre, elle ne se redresse que lorsqu'elle parle de l'apprentissage, de la lecture et de l'écriture.

Filles, femmes, pressées, écorchées, comment vous relever et sortir du carcan ? grâce à ce laboratoire de réflexion mis en place par Nadine Jasmin, Nadine Darmon et Stella Serfaty.

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